Le flambeau haut et raide

Publié le par Joël Calatayud

les-ennuis.png  Dans un article paru dans la Revue Philosophique de 1891 et intitulé l'art et la logique, Gabriel Tarde écrivait ceci : "(...) d'ailleurs, un amour qui changerait sans cesse d'orientation, qui se nourrirait d'objets toujours nouveaux au lieu de rechercher le renouvellement d'un même objet, s'épuiserait bien plus vite encore, et déploierait moins largement la capacité d'aimer, qu'un amour fidèle. Pareillement, pour parvenir à sa plénitude, le goût esthétique ne doit pas être trop changeant; il a besoin d'arrêter sa course pour labourer et ensemencer son domaine."
  Cela fait des années, qu'Atomic Ben laboure et ensemence son domaine. Bien plus que la devise d'OTH, le rock n'roll est la dernière aventure du monde civilisé, qu'il fait sienne en concert et qui a le mérite de transcender le moindre riff en mi/la/si, la citation de Tarde illustre parfaitement le creusement obsessionnel du même sillon pratiqué par Ben et son groupe Les Ennuis Commencent. A les voir fêter la sortie de leur nouvel album Superfriends, dans leur fief du bassin de Decazeville, dans une salle communale bondée de 400 personnes, on se dit, un peu naïvement mais ça fait du bien, que le Rock n'est pas mort. Ou alors qu'il bouge encore, même si ce n'est que pour un soir de tempête, un samedi de février 2010. Le Ben est trop intelligent et connaisseur de la chose pour savoir que l'on est plus, ni en 1955 du coté de Memphis, ni en 1962 dans une caverne de Liverpool, ni en 1965 dans un garage de Los Angeles, ni en 1969 dans le Michigan, ni...ok, et alors? J'ai toujours été frappé par le décalage qu'il pouvait y avoir entre les théories désabusées du rock, dont la plupart des gens se contrefout, et la réalité du terrain. Quel est l'intérêt, aujourd'hui, de balancer sur une scène la version de I fought the law des Clash comme si c'était une question de vie ou de mort? Eh bien, justement peut-être, une question de vie ou de mort...Et de continuer à jouer le jeu, perpétuer une tradition, une lignée autant batarde que racée qu'illustre la musique des EC. Après tout, il y a bien des gens de moins de 30 ans qui n'ont pas eu la chance d'être carrément électrocuté, dans les années 80, par les concerts des Dogs, de Little Bob, des Batmen, des Fixed Up, des Roadrunners...et d'envisager, dès le lendemain, de monter un groupe pour massacrer Teenage letter et The land of 1000 dances. Merci à Mister Atomic Ben et ses Ennuis Commencent, comme à quelques autres en Normandie, en Bourgogne ou en PACA, de tenir le flambeau haut et raide.

Publié dans Collègues De Travail

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