Masterpieces - "Younger than yesterday" 1967

Publié le par Joël Calatayud

  Longtemps, je me suis réveillé avec les Byrds sur la platine et cela n'était pas sans conséquences pour ma vie sociale. Durant cette période, j'avais deux options possibles. La première consistait à me lever assez tôt pour chercher du boulot ou, au moins, ne pas arriver trop tard à l'ANPE. Je choisissais souvent la seconde, c'est à dire remettre pour la énième fois "Eight miles high", "Mr Spaceman", "So you wanna be a rock n' roll star"...en essayant de comprendre. Contrairement aux Beatles que je considérais inaccessibles, j'estimais qu'avec un peu de travail il était possible de jouer et de chanter aussi merveilleusement que Mc Guinn, Crosby, Hillman et Cie. Bien sûr, c'était (c'est) impossible. Dépité, j'aurais pu me réfugier dans la drogue et, à la limite, cela m'aurait permis de percer le secret des guitares à l'envers jouées à l'endroit. Je me suis vengé sur Dylan, puis Neil Young, qui me semblaient, curieusement et prétentieusement, plus abordables.

  Comme pour tous les grands, niveau Champion's League (Beatles, Stones, Dylan, Kinks...), il est délicat de choisir un chef-d'oeuvre parmi les chefs-d'oeuvre (Younger..., 1967, Notorious Byrd Brother, Sweetheart of the rodeo, 1968). Il n'y a rien d'original à affirmer qu'entre 1965 et 1970, la musique des Byrds aura contribué, au même titre que leurs collègues cités plus haut, à changer d'ère. De teenager et insouciante, la pop devient jeune adulte et se transforme en Art. On peut comprendre et regretter, avec Nick Cohn, cette grande transformation qui va établir une pop music adulte. Moi pas car cet âge d'or n'empêchera nullement les sauvages d'exister (Stooges, MC5), mieux même, de se démarquer favorablement.  Les Beatles, avec Sgt Pepper (1967), sont, bien sûr, au sommet de cette "révolution" mais tout va tellement vite qu'au même moment - voire un peu avant pour certains - la transformation acide les contamine tous (Beach Boys, Love, Kinks, Velvet, Who...). A ce titre, l'exemple de Younger than yesterday est remarquable. Magique, céleste, envoûtant, étonnant, les qualificatifs manquent pour cet album qui, à mon sens, représente le mieux une révolution pop où tout devient possible. Folk, rock n'roll, country, jazz, blues, psychédélisme, tout peut se cuisiner dans la marmite. Encore faut-il que les cuistots soient de grands chefs. De plus, les Byrds, ces Beatles dylanisés ou Dylan beatlesisé, ont réussi, mieux que quiconque, à marier (la pochette de Younger l'illustre) Los Angeles (recto) et Liverpool (verso). Dans son livre dantesque et passionnant sur la scène de Los Angeles (Waiting for the sun), Barney Hoskyns est curieusement laconique et sévère avec ce disque: "un déplaisant côté pot-pourri...poses pseudo-psychédéliques...repli dylanien...". Je vois à peu près ce qu'il veut dire en soulignant aussi l'absence de l'ange Gene Clark et la prise de poids (dans tous les sens du terme) de ce diable de Crosby. Pourtant, le (futur) gros moustachu cocaïnomane signe ici quelques unes de ses plus belles chansons dont le sublime "Everybody's been burned" et l'étonnant (quasi bleu, timbuckléen) "Mind gardens". Merci pour le "repli dylanien", si c'est pour donner une telle chair de poule avec "My back pages", ok je suis preneur, je crois bien que Dylan était lui-même sidéré de la façon dont Mc Guinn s'appropriait son répertoire et là, c'est le sommet. Les chansons de Chris Hillman rivalisent haut la main sans parler de son jeu de basse fabuleux (et bien en avant) aussi indispensable que les fameuses guitares byrdsiennes. Et la célèbre trompette (un certain Hugh Masekala) de "rock n' roll star" et les saillies si tranchantes du Roger...Des pot-pourris comme ça, j'en redemande. Mais, en effet, ça donne très envie de prendre des poses pseudo-psychédéliques, aidé de substances lysergiques, les bras levés et entouré de charmantes créatures (cheveux longs, jupes courtes) sorties de Laurel Canyon.
  Et puis ce titre, Younger than yesterday, il suffit d'y penser un peu tous les jours pour que, effectivement, ça marche.

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